Chicago à St. Louis
La route des explorateurs français
Chicago, au cœur de l'Amérique du
nord, a été dès le départ un lieu de transition important: le portage entre les
grands-lacs et le Mississippi. Grâce aux informations reçues des Amérindiens
occupant la région, c'est en remontant la rivière du même nom que les premiers
explorateurs français on put rejoindre la rivière Illinois, qui se jette dans
le Mississippi près de Saint-Louis. Le nom Chicago viendrait d'une déformation
française d'un terme amérindien désignant une forme d'ail sauvage qui embaumait
la rivière. Lasalle lui-même en serait l'auteur.
Ce portage est devenu canal et a
permis à la ville de connaître ce qui serait le plus rapide développement
urbain de l'histoire de l'humanité selon les guides touristiques de Chicago.
Les premiers habitants non-autochtones s'y sont implantés au début du XIXe siècles,
c'étaient des francophones. Le premier, un haïtien du nom de DuSable, et le
second, un dénommé Beaubien marié à une Laframboise originaires de Détroit, ville francophone à l’époque!
On y retrouve encore aujourd'hui plusieurs rues
et emplacements français qui viennent donner un petit déjà-vu à cette ville ou
gratter le ciel est un art. Un réseau cyclable permet d'explorer la ville et
d'admirer cet ensemble harmonieux d'édifices de différentes époques. La "Architectural
Society of Chicago" un organisme à but non-lucratif, offre plusieurs
circuits pour connaître ce patrimoine exceptionnel.
Autre joyau : le bord du lac Michigan.
Véritable mer intérieure, on ne voit pas l'autre rive, elle est bordée de
plages sablonneuses et de pistes cyclables. L'eau est fraîche et cristalline,
grâce au fait que les égouts de la ville se jettent dans la rivière Chicago
dont on a inversé les cours afin que le tout se dirigent vers le Mississippi
plutôt que le Saint-Laurent.
La ville est aérée, la ville des vents
! et bien que plus de xx millions de personnes y vivent, il est agréable d'y
circuler afin de découvrir les quartiers à la mode où l'esprit créatif et
avant-gardiste des résidents ont donnés naissance à des cafés, bars,
restaurants et boutiques où il fait bon traîner. Le soir, une variété de
spectacles sont offerts dans cette ville au patrimoine musical légendaire.
Malgré le fait que le taux de criminalité demeure impressionnant, notamment en
ce qui concerne les homicides, on s'y sent en sécurité, à condition d'éviter
les quartiers chauds.
Les amateurs d'art seront aussi comblés
par le Chicago Art Institute qui possède une collection incroyable de tableaux
des peintres qui ont marqué l'histoire de la peinture moderne : Van Gogh, Monet, Renoir, Picasso, Warhol y
sont tous présent avec des œuvres significatives. Vraiment impressionnant !
Pendant mon court séjour, je préparais
mon expédition afin de rejoindre Saint-Louis en vélo. Si la ville possède un
important réseau cyclable, la sortie vers le sud-ouest, afin de rejoindre la rivière
Illinois n'est pas évidente. On m'a suggéré de suivre la route 66, le départ
d'un parcours légendaire qui va de Chicago à Los Angles, que certains font en vélo
( avec de vents dominants de face!). Mais comme d'une part, je dispose de peu
de temps et que, d'autre part, cette route est très achalandée et peu
recommandable pour les cyclistes, j'opte pour un départ en train de banlieue
qui m'amènera à Joliett à partir de la gare LaSalle (on n'est pas trop dépaysé
!)
À partir de Joliett, je peux suivre le
parcours de nos ancêtres. Ceux-ci avaient penser que construire un canal serait
une bonne idée afin de joindre les grands-lacs aux Mississippi. Les américains
l'ont réalisé en 18xx, ce qui a permis à Chicago de connaître gloire et
fortune. Ce canal original a été délaissé au profit d'un autre, mais on y a emménagé
une piste cyclable sur le chemin des mules qui tiraient les barges jadis. Elle
est en gravier ferme et le tout fait partie d'un parc d'état qui s'étend sur xx
kilomètres. J'y commence mon parcours un vendredi et la piste et calme, très
calme. La piste longe le canal mais la rivière n'est jamais très loin. Le
terrain est plat et marécageux. Je peux imaginer nos ancêtres y pagayant et
portageant dans une chaleur humide dans un nuage de moustiques inhospitaliers.
On peut y camper, mais je trouve le tout pas évident.
On y croise quelques agglomérations en
déclin où il fait bon de contempler les petits centre-ville en déperdition et
dont l'architecture du début de l'ère industrielle nous rappelle une infinité de
films et de photos. Une triste beauté. Mais les américains sont tenaces et le Midwest
est encore bien vivant loin des tumultes mondiaux qui ont emmené sa déperdition.
Je dois sortir de la piste afin de nourrir et abreuver la bête qui propulse le vélo.
À Morris, un bruit de fanfare se fait entendre au loin, et en arrivant au
centre, je peux voir l'ensemble scolaire qui anime le centre-ville qui
autrement serait bien calme, pour ne pas dire mort. On y offre des hot-dogs
afin de financer le tout. Pas idéal, mais je succombe afin de contribuer à cette
source de vie.
Je roule ainsi jusqu'à Ottawa, le
chef-lieu du coin qui semble plus vivant. On y trouve de l'hébergement et une
brasserie artisanale où les plus gros appétits trouveront à se sustenter sans
problème. Aux USA, les portions gargantuesques ont raison du plus grand appétit,
un bonheur pour le cycliste, une tragédie pour ce pays ! Un band vient terminer
la soirée. Si l'embonpoint marque ce pays, sa vivacité et sa créativité musicale
exceptionnelles ont transformé le monde. Rien de moins. Cette tradition de
musiciens amateurs est encore bien vivante et fait en sorte que l'on retrouve encore
un peu partout de petites boutiques
d'instruments de musique. Les talents locaux recherchent désespérément des
lieux pour se faire voir et entendre... À notre plus grand plaisir !
Le lendemain, je dois choisir entre
deux voies. La première et de suivre le parcours de nos ancêtres, mais la piste
cyclable s'arrête et la route touristique qui la remplace est, semble-t-il, peu
recommandable pour les cyclistes. Une autre piste cyclable longe un autre canal
et serait même en meilleur état que celle que j'ai emprunté. Elle permet de
rejoindre le Mississippi mais par le nord. Comme je suis limité par le temps et
que je me dirige vers le sud, je choisi de me rendre jusqu'à Kewanee, où Amtrak
peut me prendre et me déposer avec mon vélo à Quincy sur les rives du
Mississippi. Je choisi cette voie. Les routes pour se rendre à la gare sont un
grand plaisir pour le cycliste, peu de circulation et de jolis vallons qui
ondoient les immenses cultures de soya et de maïs qui ont fait la richesse de
la région. Des éoliennes et les silos ajoutent une touche verticale. Le tout
est quadrillé de routes désertes et au loin le train se fait entendre. Un
pickup passe à l'occasion. On est en plein cinéma !
Le cocktail de transport avion, vélo,
train est devenu pour moi un moyen agréable de visiter le monde en vélo sans
avoir à réaliser des exploits d'endurance. Il permet de faire des sauts de puce
quand le parcours est trop long, trop monotone, trop difficile ou encore
l'orque le mauvais temps s'y met. Dans ce cas-ci il me permettra de rejoindre
un circuit cycliste qui me titille depuis longtemps : la MRT, Mississippi River
Trail, qui part de la source au Minnesota jusqu'à la Nouvelle-Orléans.
La petite ville de Quincy, le centre
urbain de la région s'annonçait comme une pause urbaine dans un environnement
rural. On est loin de tout : on n'y trouve pas d'expresso au café du coin
("we don't serve that kind of things"). La table est mise : on
est loin en ta. Aucun warmshowers d'ici st. Louis. Par contre si on ne retrouve
absolument aucune indication concernant la MRT, ils ont mis en ligne toutes les
informations sur la route à suivre et les services offerts. Pas un luxe.
Je craignais le trafic. Peut-être
parce qu'on est dimanche, c'est léger et les gens respectueux comme d'habitude.
On peut voir le Mississippi au départ, un pont traverse vers le Missouri. Mais
peu à peu la circulation se dissipe et je me retrouve sur une route
pratiquement déserte. La chaleur s'y met et je dois profiter des points de
ravitaillement qui se présentent. Malheureusement, la route s'éloigne du
Mississippi. On s'en met plein la face du paysage rural du Midwest cette
immensité qui nourrit le monde et pourrait sûrement accueillir une portion
significative de l'humanité si on décidait de s'y mettre à l'agriculture
intensive au lieu de ces champs sans fin récoltés par des machines énormes dont
on est en train de planifier l'automatisation. Cette monotonie ouvre grand le
champ à la réflexion et l'introversion...
Le ravitaillement se fait rare. Dans
un petit hameau seule une distributrice Pepsi offre à boire. J'en bois un aux
six mois, ce sera aujourd’hui ! Il y a aussi de l'eau froide. Le coin est mort
et je me repose à l'ombre. Un véhicule s'arrête. Un jeune enfant obèse en
descend pour acheter lui aussi un Pepsi. Son grand-père probablement lui offre
cette attention empoisonnée.
Puis au milieu de nulle part, un petit
restaurant apparaît comme dans un film. Je ne réfléchis pas et j'y rentre pour
m'y rafraîchir. Il est 17heures et la place est de façon surprenante plutôt
achalandée. Je ne passe pas inaperçu, mais tous semblent bien discret. Si
l'endroit n'est pas un haut lieu de gastronomie, on y mange et boit pour pas
grand choses. Un gilled-cheeze, une salade, du thé glacé à volonté, le tout
pour 4,50$! La veille, j'ai mangé un spaghetti sauce à la viande correct avec
une salade pour 7.$ on est content.